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Divorce judiciaire

Le divorce judiciaire est régi et ordonné par une décision du juge. Il existe plusieurs formes de divorce judiciaire. Le code de la famille a fixé pour toutes ces formes un délai maximum de six mois au tribunal pour rendre sa décision. Une fois le divorce est prononcé, il est définitif. Par conséquent, le mari ne peut plus faire durer l’attente et de laisser son épouse dans la situation de celle qui n’est ni mariée ni divorcée, en recourant à l’appel, et à la cassation, des moyens qui étaient souvent utilisés.

 

  


 Base légale :

Article 97 : « Il est statué sur l’action relative à la discorde dans un délai maximum de six mois à compter de la date de l’introduction de la demande ».

 

Article 113 : «A l’exception du cas d’absence, il est statué sur les actions en divorce judiciaire fondées sur l’une des causes prévues à l’Article 98 ci-dessus, après tentative de réconciliation, dans un délai maximum de six mois, sauf circonstances particulières ».

 

Article 128 : « Les décisions de justice rendues en matière de divorce judiciaire, de divorce Khol ou de résiliation de mariage conformément aux dispositions du présent livre ne sont susceptibles d’aucun recours dans leur partie mettant fin aux liens conjugaux ».


 

1.Le divorce judiciaire sur demande de l’un des époux pour raison de discorde (le chiqaq) :

« Autant l'union fait la force, autant la discorde expose à une prompte défaite. »

La discorde désigne un conflit profond entre époux rendant impossible la vie conjugale. Devant cette situation les époux ou l’un deux peut saisir le tribunal par une requête en divorce judicaire.


        Base légale

Article 94 : « Si les époux, ou l’un d’entre eux, demande au tribunal de régler un différend les opposant et qui risquerait d’aboutir à la discorde, il incombe au tribunal d’entreprendre toutes tentatives en vue de leur réconciliation, conformément aux dispositions de l’Article 82».

 

Article 97 : « En cas d’impossibilité de réconciliation et lorsque la discorde persiste, le tribunal en dresse procès verbal, prononce le divorce et statue sur les droits dus conformément aux Articles 83, 84 et 85 ci-dessus, en prenant en compte, dans l’évaluation de ce qu’il peut ordonner à l’encontre de l’époux responsable au profit de l’autre, la part de responsabilité de chacun des époux dans la cause de la séparation. »

Article 100 : « Les faits constituant le préjudice sont établis par tout moyen de preuve, y compris la déposition des témoins, qui sont entendus par le tribunal en chambre de conseil. Si l’épouse ne parvient pas à prouver le préjudice mais persiste à demander le divorce judiciaire, elle peut recourir à la procédure prévue en matière de discorde ».

 

Article 120 : « Si l’épouse persiste à demander le divorce Khol’ et que l’époux n’y consent pas, elle peut dans cas, recourir à la procédure de discorde ».

 

Article 124 : « l’époux peut reprendre son épouse pendant la retraite de viduité (Idda).

 

Le juge doit, avant d’homologuer l’acte de reprise, convoquer l’épouse pour l’en informer, si elle s’y oppose et refuse la reprise de la vie conjugale, elle peut recourir à la procédure de discorde prévue à l’Article 94 ci-dessus ».

 

Article 45 : « Lorsque l’époux persiste à demander l’autorisation de polygamie, et que l’épouse à laquelle il veut adjoindre une autre épouse ne donne son accord et ne demande pas le divorce, le tribunal applique d’office la procédure de discorde prévue aux Articles 94 à 97 ci-dessous ».

 

Article 52 : « lorsque l’un des conjoints persiste à manquer aux obligations visées à l’article précédent, l’autre partie peut réclamer l’exécution des obligations qui lui incombent ou recourir à la procédure de discorde prévue aux Articles 94 à 97».

 


 

Saisi par la requête des époux ou de l’un d’eux, le tribunal doit entreprendre toutes tentatives en vue de leur conciliation. En cas d’échec le tribunal prononce le divorce et statue sur les droits de l’épouse et des enfants, et tient compte de la responsabilité de chacun des époux dans les causes du divorce, pour évaluer la réparation du préjudice subi par l’époux lésé et lui accorder  une réparation sur sa demande.

Le recours au divorce pour discorde est le plus souvent demandé par l’épouse qui en se dirigeant vers le tribunal elle espère soit obtenir un divorce pour discorde soit elle ne veut pas divorcer, mais aimerait bien vivre en ménage, elle saisit donc le tribunal pour la résolution du conflit.

 

 Dans quels cas le divorce pour discorde peut bénéficier à l’épouse ?

  • En situation de conflit avec un mari qui ne la respecte pas, un mari violent, volage, ivrogne, joueur, dépensier, un mari qui nuit à sa vie conjugale et à ses enfants.
  • Situation où les dispositions du code de la famille conduisent la femme à une impasse : Autorisation du mari pour prendre une autre épouse (polygamie) ; Lorsque le mari a révoqué le divorce ; Refus du mari de lui accorder le khol’ ; Impossibilité pour la femme d’apporter la preuve du préjudice subi par son mari.
  • Situation où la femme veut divorcer pour tous autres motifs que ceux prévus par le code de la famille. Notamment le cas où l’épouse ne peut rien reprocher à son mari mais par cause d’incompatibilité d’humeur ou suite à des mésententes quotidiennes veut rompre le lien conjugale.

 

Que fait le tribunal dans ces trois situations ?

 

Dans les trois situations, le divorce n’est point prononcé automatiquement. La première démarche du tribunal est de convoquer les époux aux fins d’une tentative de réconciliation. Si les bons offices du tribunal n’aboutissent pas, le juge désigne des arbitres ou le conseil de famille pour tenter de réconcilier les époux, sinon déterminer celui d’entre eux qui est à l’origine du différend et essayer de trouver une mise entente. La tentative de réconciliation a-t-elle échoué, le juge, après avoir fixé les droits de la femme et des enfants, prononce le divorce.

 

A noter que le conjoint qui est à l’origine du différend ou celui qui veux divorcer à tout prix peut être condamné à verser à l’autre conjoint des dédommagements.

 

2.Le divorce pour préjudice :

 

Est considéré comme un préjudice justifiant la demande du divorce judiciaire, tout acte ou comportement infamant ou contraire aux bonnes mœurs émanant de l’époux portant un dommage matériel ou moral à l’épouse, la mettant dans l’incapacité de maintenir les liens conjugaux 

 


 

Base légale :

 

Article 99 : « Tout manquement à l’une des conditions stipulées dans l’acte de mariage est considéré comme un préjudice justifiant la demande du divorce judiciaire.

Article 100 : « Les faits constituant le préjudice sont établis par tout moyen de preuve, y compris la déposition des témoins qui sont entendus a le tribunal en chambre de conseil. Si l’épouse ne parvient pas à prouver le préjudice mais persiste à demander le divorce judiciaire, elle peut recourir à la procédure prévue en matière de discorde ».

 

Article 101 : « Dans le cas où le divorce est prononcé pour cause de préjudice, le tribunal peut fixer, dans le même jugement, le montant de l’indemnité due au titre du préjudice ».

 


 

Tout préjudice, matériel ou moral, qui met l’un des époux dans l’incapacité de continuer à vivre avec son conjoint, peut constituer une cause de divorce. Exemple : Un des conjoint  ne respecte pas l’autre soit dans l’intimité, ou en société, le délaissement, manquement à une condition stipulée dans l’acte de mariage, si le mari a été incarcéré pour une infraction ou un délit infamants (vente de drogue, vol, viol…).... . Pour se prévaloir du préjudice, il faut en apporter la preuve,  qui peut être faite par tous les moyens, notamment par le biais des témoins. Mais si le problème n’intervient que dans l’intimité du couple, la preuve peut être difficile à être apportée. Devant une telle situation l’époux lésé n’a qu’à recourir à la procédure pour discorde.

 

Pour avoir droit à des dédommagements pour le préjudice causé, une demande de réparation du dommage doit être faite en même temps que la demande de divorce. Une fois ce dernier est prononcé, le tribunal en fixera le montant.

 

3.Le divorce pour défaut d’entretien :

 

En doit marocain, l’obligation d’entretien est due par le mari à son épouse. Par conséquent, elle est en droit de demander le divorce lorsque son époux refuse de s'acquitter de son devoir d'entretien.

 


 

Base l égale :

 

Article 102 : « L’épouse peut demander le divorce judiciaire pour manquement de l’époux à l’obligation de la pension alimentaire exigible et due, dans les cas et suivant les dispositions ci-après :

 

1. Si l’époux dispose de biens permettant d’en prélever la pension alimentaire, le tribunal décide du moyen d’exécution de ce prélèvement et ne donne pas suite à la demande de divorce judiciaire ;

 

2. En cas d’indigence dûment établie de l’époux, le tribunal lui impartit en fonction des circonstances un délai ne dépassant pas trente jours pour assurer l’entretien de son épouse, à défaut et sauf cas de circonstance impérieuse ou exceptionnelle, le divorce est prononcé ;

 

3. Le tribunal prononce le divorce, immédiatement, si l’époux refuse d’assumer l’entretien de son épouse sans prouver son incapacité à cet égard ».

 

Article 103 : « Les dispositions qui précèdent sont applicables à l’époux absent se trouvant dans un lieu connu, après réception par lui de la requête d’instance.

 

Si le lieu de l’époux absent est inconnu, le tribunal s’en assure, avec l’aide du Ministère Public, s’assure de la validité de l’action intentée par l’épouse e t statue sur l’affaire à la lumière des résultats de l’enquête et des pièces du dossier ».


 

La femme ne rencontre pas de réels problèmes pour avoir le divorce pour défaut d’entretien lorsque le mari refuse ou est dans l’incapacité d’assumer son obligation d’entretien. Le tribunal peut lui impartir un délai d’un mois pour se mettre en conformité et assumer les charges du ménage. Si le mari refuse toujours et qu’il est solvable, le tribunal peut ordonner des moyens d’exécution forcée ou ordonner le divorce.

 

Par contre, elle aura des difficultés à prouver le défaut d’entretien lorsque le mari prétend devant le tribunal qu’il assume son obligation, ou lorsque les frais du ménage sont assurés de façon irrégulière.

Dans ces cas, l’épouse peut soit, intenter une action de divorce pour préjudice, soit intenter directement une action de divorce pour discorde.

 

4.Le divorce pour absence du mari :

 


 

Base légale :

 

Article 104 : « Si l’époux s’absente du foyer conjugal durant une période excédant une année, l’épouse à la faculté de demander le divorce judiciaire. Le tribunal s’assure, par tout moyen, de cette absence, de sa durée et de son lieu.

 

Le tribunal notifie à l’époux dont l’adresse est connue la requête de l’instance afin d’y répondre, en l’avisant que dans le cas où l’absence est établie, le tribunal prononcera le divorce s’il ne revient pas résider avec son épouse ou s’il ne la fait pas venir auprès de lui ».

 

Article 105 : « Si l’adresse de l’époux absent est inconnue, le tribunal engage avec l concours du Ministère Public, les procédures qu’il juge utiles pour lui faire notifier la requête de l’épouse, y compris la désignation d’un curateur. A défaut de comparution de l’époux, le tribunal prononce le divorce ».

 

Article 106 : « Si l’époux purge un peine de réclusion ou d’emprisonnement supérieure à trois ans, l’épouse peut demander le divorce judiciaire après un an de sa détention, et dans tous les cas, elle peut le demander après deux années de détention ».


 

L’épouse peut demander et obtenir son divorce pour abandon de domicile conjugal, sans difficultés, lorsque son époux s’absente du domicile conjugal pour une période qui dépasse une année, sans l’accord de son épouse et sans un juste motif. Le travail du mari dans une autre ville ou à l’étranger ne peut justifier son absence du domicile conjugal. L’absence peut être même involontaire, cas du prisonnier. Dans ce cas, la femme a droit de demander le divorce si l’époux est condamné à la réclusion pour plus de trois ans, après une année de sa détention.

 

L’épouse par contre aura des difficultés à avoir le divorce pour absence du domicile conjugal lorsque l’époux rompt la période de plus d’un an par des retours irréguliers au domicile conjugal.

 

5.Le divorce pour vices rédhibitoires :

 

Les vices rédhibitoires ce sont des vices qui empêchent la relation intime entre époux, mais aussi des maladies qui risquent de mettre en danger la vie ou la santé de l’autre conjoint, et dont on ne peut espérer la guérison dans l’année. Ils constituent une cause légitime de divorce.


 

Base légale

Article 107 : « Son considérés comme vices rédhibitoires portant atteinte à la stabilité de la vie conjugale et permettant de demander d’y mettre fin :

 

-Les vices empêchant les rapports conjugaux ;

 

-Les maladies constituant un danger pour la vie de l’autre époux ou pour sa santé et dont on ne peut espérer la guérison dans le délai d’une année ».

 

Article 108 : « La recevabilité de la demande de mettre fin aux liens conjugaux formulée par l’un des époux pour vice rédhibitoire est subordonnée aux conditions suivantes :

1. Le demander ne doit pas avoir prix connaissance du vice lors de la conclusion de l’acte de mariage ;

2. Aucun comportement ne doit émaner du demandeur qui puisse signifier son acceptation du vice rédhibitoire après qu’il y ait eu connaissance de son caractère incurable ».

Article 109 : « Il n’y a pas de versement de sadaq (dot) en cas de divorce pour vice rédhibitoire prononcé par le juge avant consommation du mariage. Le conjoint peut, après consommation du mariage, réclamer la restitution du montant du sadaq à celui qui l’a induit en erreur ou qui lui a caché sciemment le vice rédhibitoire ».

Article 110 : « Si l’époux a eu connaissance du vice avant la conclusion de l’acte de mariage et que le divorce a eu lieu avant la consommation du mariage, il es tenu de verser à l’épouse la moitié du sadaq ».

 

Article 111 : « Il sera fait appel à l’expertise de spécialistes pour la constatation du vice ou de la maladie ».


 

Pour s’en prévaloir comme motifs de divorce, il faut que le conjoint lésé n’en a pas eu connaissance lors de la conclusion de l’acte de mariage ou avait déclaré accepter de poursuivre la vie conjugale après avoir pris connaissance de son caractère incurable, expressément ou en adoptant un comportement laissant penser son acceptation.

L’existence d’un vice rédhibitoire qui ne peut pas être soigné dans le délai d’une année, doit être constatée par une expertise médicale.

 

Si le divorce est prononcé après la consommation du mariage :

 

  • L’épouse a droit à la totalité de sa dot dans tous les cas de figues, que l’époux a eu ou pas connaissance du vice avant la consommation du mariage.
  • Le mari a le droit de réclamer la restitution du montant du sadaq à celui qui l’a induit en erreur ou qui lui a caché sciemment le vice rédhibitoire.

 

Si le divorce est prononcé avant la consommation du mariage, l’épouse a droit:

  • A la dot si l’époux lésé n’a pas prix connaissance du vice ou de la maladie qu’après la conclusion du mariage, quel que soit le demandeur, l’épouse ou le mari.
  • A la moitié de la dot, si le mari a eu connaissance du vice avant la conclusion du mariage.

 

 

6.Le divorce pour serment de continence et de délaissement :

 


 

Base légale :

 

Article 112 : « Lorsque l’époux fait serment de continence à l’égard de son épouse ou il la délaisse, celle-ci peut en saisir le tribunal qui impartit à l’époux un délai de quatre mois. Passé le délai et si l’époux ne revient pas à résipiscence, le divorce est prononcé par le tribunal ».

 


 

Le serment de continence et de délaissement est le serment fait par le mari de quitter le lit conjugal et jure ne pas avoir de rapports sexuels avec son épouse.  De ce fait, il viole un des devoir de la vie conjugale. L’épouse peut dans ce cas demander le divorce pour serment de continence et de délaissement. Ce motif de divorce soulève toutefois un problème de preuve pour l’épouse.

 

 Nada Cheraibi 

Juriste en droit des affaires

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