Les conditions de vente du fonds de commerce
Selon les dispositions de l’article 79 du code de commerce « le fonds de commerce est un bien meuble incorporel constitué par l’ensemble de biens mobiliers affectés à l’exercice d’une ou plusieurs activités commerciales ». La vente de ce bien incorporel est une opération qui revêt une grande importance et qui doit être sécurisée. A cet effet, le législateur marocain a prévu toute une série d’obligations que l’acheteur et l’acquéreur doivent respecter.
En principe, la vente du fonds de commerce est soumise aux règles de droit commun. Toutefois la loi a apporté un certain nombre de dérogations au droit commun et ce d’une part pour protéger les intérêts des créanciers du vendeur pour préserver leur gage sur le fonds de commerce, et d’autre part afin de protéger le vendeur contre l’insolvabilité de l’acquéreur.
Les conditions de fond :
La vente du fonds de commerce est régie par les règles générales qui règlementent les contrats, en particulier en matière de consentement, de capacité, d’objet et de cause. Les règles de la capacité commerciale telles que édictées par le code de commerce s’appliquent évidement dans ce contexte.
Le consentement : Pour être valable, le consentement des parties, une pour vendre et l’autre pour acheter, doit être libre, conscient et exempt de vice (Erreur, dol, violence). Toutefois, la jurisprudence marocaine n’applique pas ces conditions de manière absolue, elle tient en compte le particularisme du bien vendu.
La capacité : La capacité requise est celle exigée pour passer un acte de disposition (être majeur et ne pas être frapper d’une incapacité). S’il est mineur, il doit disposer de l’autorisation du juge qui doit être requise par son tuteur, sauf s’il s’agit d’un mineur émancipé, lequel pourra procéder seul à la vente de son fonds de commerce.
(Pour plus d’informations sur la capacité vous pouvez consulter la page suivante : http://www.iurisma.com/index.php/droit-des-personnes/46-capacite-juridique).
L’objet du contrat de vente : Il est composé de deux éléments essentiels : le fonds de commerce et le prix de vente.
*Le fonds de commerce : la loi exige que soient énumérés dans l’acte de vente, les différents éléments qui composent le fonds vendu.
*Le prix : il doit être réel et sérieux. Un prix dérisoire dissimule généralement soit une atteinte aux droits des créanciers soit une fraude fiscale pour éviter de payer les droits de mutation. Pour contrecarrer la simulation, le législateur a prévu les mesures suivantes :
-les créanciers du vendeur peuvent formuler une opposition sur le prix de vente, et peuvent également procéder à une surenchère de 1/6 pour les créanciers chirographaires et de 1/10 pour les créanciers inscrits ;
-La dissimulation de prix est sanctionnée par une forte amende. Le code de recouvrement de créances publiques (article 83 et 153) durcit la responsabilité de l’acquéreur, en le soumettant, dans certaines conditions à la solidarité pour le paiement de la totalité du montant exigé par le fisc ;
-l’acte de vente peut être annulé s’il est prouvé que la convention avait pour but de dissimuler une partie du prix de vente.
La cause : La cause de la vente doit être conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs. En pratique aucune difficulté n’est soulevée sur ce point, car il est très rare que son absence ou son illicéité soit soulevée en matière de vente du fonds de commerce.
Les conditions de forme :
La forme écrite de l’acte de vente : Le code de commerce exige la forme écrite de l’acte de vente. Cette obligation protège l’acheteur contre les éventuels vices cachés et lui permet alors soit d’annuler la vente soit de demander la réduction du prix de vente. L’acte de vente peut être rédigé, soit par les parties elles-mêmes par un « acte sous seing privé » soit par l’intermédiaire d’un professionnel du droit, un notaire, il s’agira dans ce cas d’un « acte authentique ».
Pour produire ces effets, le contrat de vente du fonds de commerce doit contenir obligatoirement un certain nombre de mentions, telles qu’elles sont prévues par l’article 81 du code de commerce. On cite :
- Le nom du vendeur, la date et la nature de son acte d'acquisition, le prix de cette acquisition en spécifiant distinctement les prix des éléments incorporels, des marchandises et du matériel;
- L'état des inscriptions des privilèges et nantissements pris sur le fonds;
- S'il y a lieu, le bail, sa date, sa durée, le montant du loyer actuel, le nom et l'adresse du bailleur;
- L'origine de la propriété du fonds de commerce.
Si l’une de ces mentions ne figure pas dans l'acte de vente, l'acheteur peut demander l'annulation du contrat si l’absence de la mention lui a porté préjudice.
Par contre, si les mentions figurant à l'acte sont inexactes, l'acheteur peut demander l'annulation du contrat ou la réduction du prix si l'inexactitude des mentions lui a porté préjudice.
Dans les deux cas, l’acheteur dispose d’un délai maximum d'un an à compter de la date de l'acte de vente pour intenter son action en justice.
En parallèle, pour que l’acte de vente puisse produire ses effets en faveur du vendeur, l’acte de vente est soumis aux formalités de dépôt et de publicité.
Dépôt et publicité de l’acte de vente : Après enregistrement, une expédition de l'acte notarié ou un exemplaire de l'acte sous seing privé doit être, dans les quinze jours de sa date, déposé au secrétariat-greffe du tribunal dans le ressort duquel est exploité le fonds ou le principal établissement du fonds si la vente comprend des succursales. Un extrait de l’acte est inscrit au registre du commerce, et est publié en entier et sans délai par le secrétaire-greffier, aux frais des parties, au Bulletin officiel et dans un journal d'annonces légales. Cette publication est renouvelée à la diligence de l'acquéreur entre le huitième et le quinzième jour après la première insertion.
La publicité de l’acte de vente est destinée à permettre aux créanciers du vendeur, principalement les créanciers chirographaires, d’être informés de la vente du fonds commerce pour qu’ils puissent agir à temps pour faire valoir leurs droits, en s’opposant à la vente ou de faire une surenchère. En effet, les créanciers nantis, c’est-à-dire ceux qui bénéficient d’un nantissement inscrit sur le fonds de commerce, n’ont rien à craindre parce que du fait de l’inscription de leur gage, la vente ne peut pas se faire sans eux. Mais pour les créanciers chirographaires, c’est-à-dire qui n’ont pas de garantie particulière, ils sont inconnus de l’acquéreur, ce qui fait que le vendeur peut vendre son fonds, encaisser le prix sans qu’ils puissent prétendre au paiement de leurs dettes.
N.B :
Pour le vendeur d’un fonds de commerce : Vous devriez, avant de procéder à la vente de votre fonds de commerce, passer en revue toutes les conventions qui vous lient à des tiers, ce qui vous permettra de dégager celles qui peuvent constituer un obstacle à la vente.
Pour la forme du contrat de vente : L’écrit étant obligatoire, nous vous conseillons le recours aux professionnels, notamment un notaire, de part son obligation de renseigner les parties et de les avertir de leurs droits et obligations, vous aurez donc droit à des conseils précis. En outre, le notaire est garant du formalisme et du respect des délais.
N.Ch